Les larmes du drapeau
J'ai longuement flotté sur les champs de bataille
résistant bravement aux coups de la mitraille
maintes fois ma voilure épongea dans le vent
le sang des soldats morts, les pleurs des survivants.
Au sommet du pays je dressais mes couleurs
témoignage vibrant de la Foi, de l'Honneur. Les anciens devant moi soulevaient leur chapeau
Qu'y-a-t-il de plus beau que l'amour du drapeau ?
Mais la honte survint par un soir gris d'hiver
Ma hampe fut brisée par des mains étrangères
lacérés, mes beaux plis sanglotaient en silence
en voyant que ces doigts s'attaquaient à la France
Devant la foule haineuse, on me jeta à terre.
Un instant, je pensais : "nous sommes donc en guerre !"
Mais en guerre, un étendard a ses défenseurs,
Ici nul n'accourut pour calmer ma douleur !
Les uniformes bleus trépignaient de colère,
Mais leur chef, tout là-haut, préservant sa carrière
Me laissa sans mot dire aux mains de mes bourreaux :
je mourus sans qu'une arme ne quitta son fourreau
Ce soir, je regrettais de porter ces couleurs
Car une part de la France est morte dans mes pleurs
Quand mon pays me laisse ainsi, succomber seul
Je ne suis plus drapeau, mais je deviens linceul.
Lieutenant-colonel Michel BRAULT